L'enfant avait toujours aimé venir au port de Cydonia, d'aussi loin que remontaient ses souvenirs dans cette cité où l'avait convié son propre père, Aerin aimait passer son temps libre à regarder les vaguelettes s'abattre mollement sur le ponton. C'était également le seul endroit de la cité où Nyméria pouvait l'accompagner sans craindre quoi que ce soit. La louve, encore jeune, n'avait pas atteint sa taille adulte si bien qu'elle était tout juste aussi grande qu'un chien et son pelage couleur crème attendrissait ses traits si bien que personne ne faisait attention à elle. De plus, contrairement aux rues commerçantes, le port ne grouillait pas de monde si bien que personne ne faisait attention à ce couple atypique. Le petit Almer n'en était pas mécontent pour autant, bien au contraire ! Aerin n'avait jamais perçu la décision de Jiven comme une trahison, il l'avait plutôt vu comme une perspective d'avenir, peu importe qu'elle soit dangereuse, et une chance de connaître la vérité sur ce qui avait poussé sa mère à haïr les Zélotes. Il n'avait jamais eu peur d'entrer dans le Joyau, peu important son nom et ses origines car il savait qu'on le protègerait, qu'on ne prendrait pas le risque de tuer ou ne serait-ce que blesser une pupille de la cité. Et l'enfant avait eu d'autant plus raison qu'on l'avait confié à la fille du Consul en personne.

Thémis était quelqu'un d'étrange. La première fois qu'il l'avait rencontrée, il l'avait détestée, elle et son comportement de mère compulsive si bien qu'il s'était refusée à lui parler, n'hésitant pas l'ombre d'une seconde à la dénigrer. Mère au foyer bien qu'elle s'occupe de donner des cours et de soigner les pauvres âmes, Aerin n'avait vu en elle qu'une faible femme qui s'était tout juste donnée la peine de naitre mais la demoiselle avait tôt vite fait de lui montrer qu'il avait tord. Forte, solide comme un roc sur lequel la petite famille pouvait s'appuyer, elle avait su lui faire comprendre qu'il y avait un énorme fossé entre le mentor, la mère de famille, la femme d'affaires et les autres facettes de sa vie. Le métisse avait alors accepté de lui ouvrir son cœur, un tout petit peu, et la place infime qu'elle avait pu s'y faire s'était bien vite muée, avait grandi sans crier gare si bien qu'aujourd'hui, le jeune homme n'imaginait plus un monde sans elle. Elle l'avait accueilli comme un fils, l'élevait comme tel, le considérait comme tel. Thémis était une femme bien, désormais, le petit Elfe n'en doutait plus. Elle l'avait protégé, aimé, et continuait chaque jour de lui rappeler que s'il pouvait avancer sur le chemin de la guérison, c'était en grande partie grâce à elle. Si l'adolescent n'aimait en général pas les adultes, elle faisait exception, au même titre qu'Iréa ou Jillian. Les trois femmes de sa vie, auxquelles s'ajoutaient bien entendu Jelenna, Eloween et Nyméria. Toutes avaient joué un rôle dans sa survie et toutes lui avaient ouvert les portes de la guérison …

Le soleil était au rendez-vous en ce début d'été et le jeune adolescent prenait plaisir à gambader tant qu'il ne faisait pas encore trop chaud si bien que la jeune Henrick n'hésitait pas à lui offrir quelques heures de tranquillité par jour. Son entrainement avançait bien de sorte qu'elle lui affirmait ne pas s'en faire pour la suite, ce qui ne manquait pas de lui réchauffer le cœur. Si le temps passé dans cette cité ne lui avait en rien permis d'en apprendre plus sur sa défunte mère, Aerin savait cependant qu'elle se trompait sur beaucoup de points. Tous les Zélotes n'étaient pas des monstres, bien au contraire, et la gangrène qui pourrissait entre les Templiers et les Zélotes apparaissait bien stupide aux yeux de l'enfant. Ils étaient tous différents certes mais il se sentait incapable de comprendre ce qui pouvait pousser les uns à haïr les autres, par pur principe si bien qu'il préférait ne plus y penser. Celyween serait sans doutes déçue de le savoir apprenti élémentaire mais peu importait, il avait compris que si elle n'aurait sans doutes pas accepté cela par principe, elle l'aurait fait par amour. Car toute mère aime ses enfants, peu importe ce qu'ils font, n'est-ce-pas ? C'était en tout cas ce que Jelenna et Thémis se plaisaient à lui dire et il ne voulait que les croire.

Soren Henrick n'était pas un homme de parole, plutôt un homme d'action mais quand il demandait quelque chose, tout le monde avait tendance à lui obéir de peur de se prendre un coup sur la tête, sauf sa femme bien entendu, ce qui ne manquait pas d'amuser les trois marmots qui vivaient chez eux lorsqu'ils avaient tendance à se chercher l'un l'autre. Son carnet à la main, ce vieux carnet dans lequel il avait noté ses joies comme sa colère, il y avait maintenant si longtemps de cela, l'enfant se décida à sortir prendre l'air au port quand l'homme l'arrêta, lui demandant de revenir dans la cuisine qu'il venait de quitter. Sans prendre de gants mais sans être agressif pour autant, Soren lui demanda d'aller chercher sa hache chez le forgeron. N'importe qui aurait vu là un homme qui se servait d'un enfant pour éviter de faire les choses par lui même mais pas le petit métisse car il savait d'expérience que Soren n'était pas ce type d'homme, bien au contraire, et qu'il lui faisait là une grande faveur si bien qu'il s'empressa de lui répondre qu'il était d'accord. L'homme lui tendit une bourse pleine de pièces pour payer le travail fourni et le laissa vaquer à ses occupations sans plus faire attention à lui tandis que sa femme lui demandait d'être prudent et de bien faire attention non à lui cette fois-ci, mais à l'arme de son époux. Requiem était quelque chose de sacré pour son mari si bien qu'elle craignait de le voir accomplir cette mission.

Voilà comment Aerin s'était retrouvé sur le port, pour une raison totalement stupide certes mais peu importait, il se sentait tellement fier que n'importe quoi aurait pu lui arriver. Il avait toujours son carnet de croquis en main et, puisqu'il avait la journée pour accomplir son forfait, il s'accorda quelques minutes au port le temps de faire un petit croquis d'un navire amarré. Simple barque certes, mais l'adolescent cherchait là un moyen de se calmer et surtout, de laisser son esprit voguer ça et là. Juste l'espace d'une seconde. Personne ne lui en voudrait.

« J'aime le bruit des vagues » se contenta-t-il de dire pour briser le silence tandis que Nyméria posait sa tête sur ses genoux.

Assis sur le rebord, il avait son carnet à la main et le crayon à la bouche, le mâchouillant nonchalamment. Il posa sa main sur la tête de l'animal qui soupira d'aise avant d'ajouter :

« Maman aurait aimé cet endroit, je suis sur qu'avec le temps, elle aurait appris à l'aimer. »

Son cœur se serrait dès qu'il parlait de sa mère mais si par le passé il se serrait de colère et de tristesse, aujourd'hui, tout n'était plus que douce mélancolie. Celyween lui manquerait toute sa vie mais Aerin avait appris à vivre avec comme à vivre sans elle. Il la rejoindrait bientôt, mais pas tout de suite, pas encore, il avait trop de choses à faire ici bas et trop de gens qui comptaient sur lui.

« On devrait y aller, sinon, Soren risque de me disputer … J'en profiterais pour racheter des flèches ! »

Un sourire aux lèvres, l'enfant se leva, sa louve sur ses pas, et se dirigea vers la forge indiquée. « Les Jongles du feu », il ignorait totalement où elle se trouvait et n'avait pas pris la peine de le demander le matin avant de partir si bien qu'il fut forcé de quémander son chemin. Une vieille dame le lui indiqua non sans lui sourire gentiment et ce fut quelque peu stressé qu'il poussa la porte de l'établissement.

« Bonjour » se contenta-t-il de dire, bien que le bruit de la forge couvre sa voix, une peur soudaine lui nouant les entrailles.

Il avait peur de mal faire. Toute la matinée, il s'était senti rempli d'une énergie nouvelle, près à tout pour remplir cette mission de la plus haute importance à ses yeux, symbole de reconnaissance chez le Zélote, et maintenant qu'il se rendait compte de l'ampleur de la tâche ... il craignait de ne plus être à la hauteur. Timide, il n'osa pas entrer, et ce n'était certes pas la chaleur étouffante de la pièce qui allait lui suggérer de le faire … Nyméria quant à elle s'assit à côté de lui, attendant simplement que son maitre se décide à entrer ou à rebrousser chemin.

Un coup d’œil rapide lui montra qu'il n'était pas seul. Une jeune femme attendait déjà son tour aussi hésitait-il à entrer ou à repasser plus tard. Sans doutes le choix aurait-il été plus facile si l'enfant avait pu voir qui se tenait dans la pièce, fière et forte à la fois. Nul doutes que s'il avait pu voir la saltimbanque, il n'aurait pas hésité une seconde à entrer mais Naly, dont il n'avait jamais vu le visage et ne pouvait ainsi pas la reconnaitre, lui cachait la Dame.

[ Désolée, l'entrée en matière est minable ^^' ]

« Mais concentre-toi bon sang !
- Ah, c’est ça ! Il fallait se concentrer ! Putain mais décidément, quel bon prof tu fais !
- Oh garde tes sarcasmes à deux Talents ! T’es pas assez concentrée je te dis, alors vexe-toi si tu veux, mais à ce rythme on va pas s’en sortir…
- "A ce rythme on va pas s’en sortir"…
- Ce que tu peux être conne quand tu t’y mets !
- Mais je t’em-merde ! Je vous emmerde, toi, ton savoir EXTRAORDINAIRE sur la magie et ce putain tas de brindilles qui veut pas prendre feu comme je veux ! »

Et alors que Garet allait répliquer que lui et son savoir EXTRAORDINAIRE avaient déjà fait un travail fabuleux dans l’apprentissage de Jillian, mais qu’elle était trop fière – et encore une fois trop conne – pour l’admettre, la porte de la forge familiale s’ouvrit.

L’arrivée de l’inconnue eut un effet sur les frère et sœur plutôt… mitigé. Le visage de Garet s’illumina tandis qu’un sourire commerçant – et un peu plus que cela, il faut bien l’avouer – étira largement ses lèvres. En fin connaisseur il détailla rapidement les formes de la créature qui venait d’entrer dans sa forge et apprécia le drapé de sa robe, légèrement collé contre sa peau moite. Ah l’été ! Quelle bénédiction pour la gente masculine !

Quant à Jillian, on avait sans doute rarement vu de regard aussi noir. Elle ne connaissait pas cette femme, cette dernière avait sûrement toutes les raisons du monde de les interrompre en pleine séance d’entraînement – ses bras chargés d’armes l’attestaient d’ailleurs – elle ne put s’empêcher de la détester sur le champ. Dans ses mauvais jours la Meneuse de le Troupe pouvait vraiment avoir un sale caractère. Elle s’abstint toutefois de faire un commentaire. Même une Jillian Torrez énervée ne pouvait décemment pas reprocher à quelqu’un d’entrer dans une forge et demander qu’on aiguise ses armes !

« Très bien, très bien, laissez-moi voir ce que nous avons là… »

Vêtu d’un simple chandail de lin et d’un sourire lumineux, Garet s’était avancé et ne regardait pas le tas d’épées et de haches au pied de la belle, mais bien la belle elle-même. Il éclata de rire avant de la saluer d’un mouvement de tête.

« Garet Torrez, pour vous servir ! »

Son ton était lourd de sous-entendus mais son sourire était tellement frais et sincère qu’il ne pouvait être que contagieux et ses remarques déplacées gagnaient ainsi en légèreté.

« Je vais jeter un coup d’œil à ça pour commencer, finit-il par dire en se saisissant du sac. »

Jillian était restée en retrait et n’avait pas pris la peine de se lever. Ses longs cheveux prune étaient remontés dans un foulard rouge, tandis que des mèches rebelles se collaient à son front perlant de sueur. Elle n’était pas beaucoup plus habillée que son frère : une brassière pourpre sans bretelles recouvrait sa poitrine, laissant nus ses bras et son ventre, tout à fait assortie à son pantacourt bouffant et son collier d’or magistral qui aurait capté toute l’attention s’il n’avait pas possédé un tel charisme. Elle allait même quitter la pièce quand Sam se mit à grogner.

La tigresse s’était étalée dans un coin de la forge, ne sachant plus que faire de sa carcasse dans la fournaise de la forge. Elle relevait la tête après avoir passé des heures à ne rien faire et c’était pour râler. Pas auprès de la dame, Jillian s’était déjà chargée de lui faire bon accueil, mais plutôt du couple peu commun qui venait de passer la porte. La moue renfrognée de la Saltimbanque disparut. Son visage s’éclaira tandis qu’un sourire moqueur accueillait la timidité du nouvel arrivant.

« Avance gamin ! lança-t-elle. Que je te fasse un câlin ! »

D'aussi loin que remontaient ses souvenirs, il semblait à Aerin qu'il avait toujours été quelqu'un de poli parfois même à l'extrême. Il se souvenait à merveille du jour où la jeune apprentie de sa mère, Jade, s'était moquée gentiment de lui quand il lui avait demandé à grand coup de « Madame » si elle pouvait lui donner un gâteau pour le goûter là où sa mère l'avait formellement interdit. Outre apprendre ce jour là qu'il valait mieux ne jamais désobéir à Celyween sous peine de la mettre en colère ou, dans son cas, de la vexer, il avait également compris que certaines personnes font fi de la politesse et s'en amusent. Au final, si sa mère avait autant insisté par le passé sur ces nécessaires qualités, le jeune métisse se demandait aujourd'hui s'il ne devait pas évoluer quelque peu. Sans se montrer impoli, il était peut-être avisé désormais d'apprendre à s'adapter à la situation seulement pour cela, encore aurait-il fallu qu'il soit naturellement doué pour s'exprimer.
Par le passé, lorsqu'il n'était encore qu'un enfant de sept ans, peut-être un peu plus, peut-être un peu moins, Aerin avait l'habitude de tellement parler qu'il parvenait à en saouler autant la mère que l'apprentie mais aujourd'hui, lorsque Thémis, Jiven ou mêmes ses précieuses amies parvenaient à tirer de lui plus de trois mots à la suite, c'était un petit miracle. Le temps avait passé depuis la mort de sa mère et s'il avait cicatrisé la plupart de ses vieilles blessures, force était de constater qu'il en restait encore, béantes, qui l'empêchaient d'avancer. La première avait été comblé par le temps comme par l'attention de la petite princesse Amazone. Si d'autres l'avaient aidé à s'en remettre, ce n'était que le passage à Muria que lui avait offert Jelenna qui lui avait permis de reparler Cydien. Les mots semblaient s'être évaporés mais au contact de la jeune fille, ils étaient revenus, doucement, lentement mais sûrement. La princesse s'était montrée particulièrement patiente et avait prôné le jeu plutôt que l'exercice. D'un an sa cadette, elle s'était révélée beaucoup plus mure que lui au final et avait compris comment il fonctionnait comme s'il avait été un simple livre qu'elle parcourait du regard. D'autres avant elle avaient pourtant essayer, à l'image de la fougueuse Jillian mais à cette époque, l'enfant s'était contentée de la rejeter, de rejeter cette vérité qui sonnait encore trop durement à ses oreilles. Au final, la Cydienne avait fait partie des premières personnes à réellement s'intéresser à lui et à chercher à le faire avancer. Sans la claque verbale qu'elle lui avait donné ce jour-là, sans doutes que rien de tout cela n'aurait été possible …

La forge était déjà en pleine activité. A l'instant même où l'adolescent pénétra dans les lieux, il sentit qu'il allait déranger, qu'il allait devoir patienter et surtout, s'exprimer. Toute la matinée, il s'était réjoui de cette chance que lui offrait le Zélote mais à présent, il était incertain … Incapable de se sentir à sa place, il était resté là, sur le pas de la porte, hésitant à entrer ou à prendre les jambes à son cou. La première solution lui incombait, c'était évident, mais le gamin se sentait soudain si minuscule qu'il ne parvenait pas à se motiver.
Son regard parcouru la salle sans qu'il ne soit capable d'ajouter un mot. L'Almer posa son regard un instant sur la jeune femme qui se tenait devant lui et, si son visage lui était familier, il ne parvint pas à se souvenir de qui elle était. En dehors des Clari, le jeune homme ne voyait presque personne dans cette cité, ne côtoyant au final que la famille de Thémis et, quand il avait du temps libre, les brins d'herbes de la campagne ou encore, les ruisseaux paisibles dans lesquels il pouvait se baigner avec Nyméria. Si Cydonia était un Joyau aux yeux de ses habitants, elle ne demeurait au final qu'une simple prison aux barreaux dorés pour l'apprenti élémentaire.

Jiven avait décidé de l'y envoyer en signe de paix et, souhaitant plus que tout s'éloigner du Temple, Aerin avait accepté sans mot dire. Il aimait son père, là n'était pas la question, mais il avait également conscience que son cas l'inquiétait fortement et, quand le Directeur du Temple l'observait, il était convaincu qu'il ne voyait en lui que les réminiscences d'un passé que la mort avait révolu. Bien sur, le gamin avait tord mais il était difficile de le comprendre à son âge. Que son père voit en lui bien plus que les restes de Celyween lui était totalement in-envisageable. De plus, l'atmosphère des lieux ne lui plaisaient pas et le mettaient bien au contraire mal à l'aise. Les Templiers qui ne cherchaient pas, à ses yeux, à le moraliser pour le « faire aller de l'avant », le prenaient en pitié et les femmes étaient insupportables d'attention envers lui si bien que Cydonia lui était apparu non pas comme une prison dans les premiers temps, mais comme une libération. Si Thémis avait su remplacer dans son cœur ou tout du moins combler le vide laissé par Celyween, elle l'avait fait avec tact et douceur, laissant le temps soigner les blessures les plus profondes. En somme, elle s'était contentée d'attendre en veillant sur lui de loin et c'était lui qui, un jour, avait fait le premier pas.

Tandis qu'il avait perdu le fil de ses pensées, l'enfant se rendit compte que, si quelques secondes à peine après son entrée s'étaient écoulées, il paraissait sans doutes fort impoli de se tenir là, sur le seuil, sans pour autant prendre la peine de bouger. Il entra donc, fermant la porte derrière lui, Nyméria sur les talons. La louve couleur crème avait les poils gluants de sueur et la langue pendante, visiblement, elle aurait certainement préféré que son maître la laisse dehors ou qu'il laisse la porte ouverte mais Aerin était loin de s'en rendre compte. S'il venait de rendre timidement son sourire à la belle Cydienne, une voix ne manqua pas de le faire sursauter, son cœur manquant littéralement un battement.

« Il n'y a pas de hasard dans la vie » lui avait murmuré sa mère à plusieurs reprises car, aux yeux de Celyween, il était inconcevable que quelque chose qu'elle ne pouvait pas contrôler puisse influencer son existence. Et, étrangement, ce n'était qu'aujourd'hui qu'il commençait à la croire lorsque son cerveau identifia l'origine de la voix qu'il venait d'entendre. A présent debout devant lui, juste derrière la Cydienne, se tenait Jillian Torrez, saltimbanque de profession, bourrique de première mais femme d'exception aux yeux du gamin. Vêtue tout aussi étrangement que lors de leur première rencontre, elle arborait un sourire taquin qui ne manqua pas de bouleverser le gamin. Jamais au grand jamais il n'aurait cru revoir la jeune femme ici, dans une forge en plein milieu de Cydonia ! Pourtant, ce fut sans hésiter ou presque qu'il dépassa la cliente pour obéir. Il avança mais s'arrêta à quelques pas d'elle, n'osant aller plus loin, sachant pertinemment qu'elle maniait l'ironie mieux que quiconque. Il l'observa une seconde durant encore et, ne pouvant résister, l'apprenti demanda alors :

« Que fais-tu là ? Je … Je ne pensais pas te trouver ici ! »

Surpris, il en oubliait totalement les bonnes manières aussi, se tournant vers la jeune femme qu'il avait sans doutes même bousculé et auprès de laquelle Nyméria était restée, faute de comprendre la situation, il s'excusa :

« Je suis désolé, j'espère ne pas vous avoir bousculée … Nym, viens. »

La louve obéit avec mauvaise grâce, n'ayant visiblement pas envie de se frotter à l'énorme tigresse qui trônait non loin. Aerin, visiblement mal à l'aise, ignorer en réalité sur quel pied danser. S'il mourait d'envie de parler à la charismatique saltimbanque, s'il avait bien envie de profiter du câlin qu'elle lui avait proposé ou encore, s'il avait, depuis très longtemps maintenant, envie de la remercier pour ce qu'elle avait fait pour lui, il demeurait là, incapable de se décider, ne sachant pas quoi faire qui ne mettrait pas l'inconnue dans l'embarras ou encore, Jillian, même si, sur ce point, il doutait de pouvoir être suffisamment doué pour la mettre dans un quelconque embarras.

[ Je crois que je ne fais pas beaucoup avancer les choses XD ]

La louve ne se sentait pas spécialement à l'aise dans la boutique, non loin de l'imposante tigresse mais pour autant, elle avait suffisamment de jugeote pour ne pas en faire l'étalage si bien qu'au final, elle se tut et resta au pied de son maître sans émettre un son. Pourtant, dans un coin de sa tête, l'enfant sentait pleinement son mécontentement et son envie pressante de quitter les lieux. S'il était désolé pour elle, il n'avait cependant pas l'intention pour sa part de quitter les lieux tout de suite maintenant qu'il avait retrouvé la Saltimbanque. Il se souvenait encore parfaitement de leur rencontre et plus encore de celle qui avait suivi. La première fois qu'il l'avait vu, Nyméria n'était encore qu'une boule de poils à peine plus grosse qu'un matou et lui-même n'était encore qu'un jeune orphelin. Sa mère serait sans doutes fière de lui aujourd’hui, sans doutes pas pour l'ensemble de ses choix mais au moins pour la plupart d'entre eux, du moins l'espérait-il. Quoi qu'il en soit, il avait bien changé depuis sa rencontre avec la jeune Cydienne, ne serait-ce que parce qu'il parlait enfin une langue compréhensible par la majorité des peuples d'Azthia. Si sa langue maternelle restait son éternel refuge, son secret et son ultime confidente, il avait cessé depuis longtemps de la parler à l'oreille de tous. De toute façon dans le Joyau, mieux valait parler Cydien qu'une toute autre langue sans quoi les regards se posaient sur vous automatiquement. Déjà que le jeune métisse attirait les regards sur lui de par ses origines, ou encore, sa filiation, il préférait s'éviter ce genre de désagréments autant que possible.

Le gamin remarqua le sourire sur le visage de l'impétueuse Meneuse et ne put s'empêcher d'y répondre. De toutes les personnes qu'il avait rencontré à cette époque comme aujourd’hui, Aerin appréciait sincèrement et tout particulièrement la jeune femme bien que leurs rencontres se furent plutôt rares. Elle était de celles qui n'avaient jamais cherché à le juger ou encore, qui avaient tenté à sa façon de l'aider. De le pousser vers l'avant de sorte qu'il devait sa guérison en grande partie à la jeune femme. Avec Jelenna, elles avaient été les plus proches confidentes de l'apprenti élémentaire et si jamais il avait entrepris le chemin vers un futur prometteur, ce n'était au final que grâce à ce genre de personnes. Il existait désormais un puissant lien entre elle et lui et s'il ne s'exprimait pas, s'il restait invisible, le jeune Almer ne s'en sentait que plus fort.
Lorsqu'ils s'étaient rencontrés tous deux, il n'avait pas été en mesure de comprendre la détresse de la Cydienne, ce n'était que plus tard qu'il avait compris qu'elle n'avait cherché qu'à l'aider et, plus que tout, qu'elle partageait sa peine pour en vivre une similaire. Celyween s'en était allée et l'enfant avait trouvé en Jillian non une mère mais quelque chose s'y approchant. Une confidente, une sœur, un peu de tout à la fois sans doutes et au fond, peu importait ce qu'elle était pour lui tant que ce lien vivait entre eux non ?

Les grondements sourds emplirent l’atmosphère et un instant, Aerin craignit que sa louve ne se vexe et fasse quelque chose d'inconsidéré. Fort heureusement, c'était sans compter sur le caractère de cochon de Nyméria si bien qu'elle ne tarda pas à s'allonger aux pieds de son compagnon bipède en baillant bruyamment pour signifier qu'elle n'avait pas l'intention de se laisser impressionner. Évidemment, elle n'était pas rassurée, cela se sentait, mais sa force de caractère suffisait à donner le change. Plutôt de taille et de poids normaux, la louve au pelage crème n'était pas comme celle de la princesse Amazone par exemple, qui, bien que plus âgée qu'elle, semblait plus puissante et surtout, plus imposante avec sa taille presque masculine. Nyméria était taillée dans la finesse et plus encore, dans la vitesse, c'était non par son poids ou sa taille qu'elle impressionnait mais bel et bien par sa rapidité et sa férocité. Telle certaines espèces de chien, elle ne lâchait jamais sa prise, quitte à se faire rouer de coups, pour peu que cela protège Aerin.

Tandis qu'il hésitait sur la manière d'agir, Jillian reprit la parole et lui présenta la forge familiale. Ce fut à cet instant qu'il comprit, en croisant son regard comme en écoutant ce qu'elle venait de lui dire. Il était enfermé dans sa propre spirale de douleur et si Torrez avait été là pour lui, s'il s'était senti proche d'elle, il savait que c'était parce qu'ils partageaient leur souffrance mais jamais Ô grand jamais il n'avait su qui elle pleurait. S'il s'en était douté un jour, il n'avait jamais gratté la surface et aujourd’hui, il comprenait enfin. Ce jour-là, c'était son frère qu'elle pleurait n'est-ce-pas ?

Elle lui expliqua avec son charme et son éloquence naturelle l'origine du nom choisi pour la forge et il ne put s'empêcher de sourire devant l'évidence en effet. « Les Jongles du feu », il était évident que cela sonnait aussi bien que la Troupe … quel idiot ! C'était à croire que la mort de sa mère l'avait coupé de tout et de tout le monde … et ce n'était que la triste vérité au final. Il ne s'était finalement pas vraiment intéressé à ceux qui l'entouraient et le regrettaient amèrement. Il n'eut pas le temps de réfléchir plus longuement à la situation car Jillian le prenait déjà dans ses bras.
Il n'avait jamais été câlin, sauf avec sa propre mère et avec la petite Erys. Thémis Clari elle-même avait abandonné l'idée d'agir de la sorte avec lui, se rendant compte du mal que ça lui faisait dans un premier temps comme son malaise par la suite, lorsque la blessure suite au décès de la Crépusculaire s'était un peu refermée. Dans le cas de la Saltimbanque, rien ne lui faisais plus plaisir, c'était étrange comme sensation mais il sentait que quelque chose se liait entre eux.

« Merci » souffla-t-il enfin pour toute réponse, ne cherchant qu'à exprimer ainsi ce qu'il pensait depuis bien trop longtemps sans pouvoir le faire.

« Excusez le dérangement dans ce cas » répondit-il piteusement à l'attention de Naly Caelan.

La demoiselle Cydienne reprit la parole à l'attention de la jeune femme juste après qu'il se soit lui-même excusé et elle ne semblait visiblement pas la porter dans son cœur vu le ton qu'elle employait. Comme à son habitude, elle parlait avec arrogance et se vantait des mérites de sa précieuse Troupe ce qui ne manquait pas de faire rire intérieurement Aerin. Jillian était quelqu'un de fort, sur qui on pouvait compter et c'était sans doutes ce qu'il appréciait chez elle mais plus que tout encore, il adorait ce côté rebelle chez elle qui ressortait à la moindre occasion. Le sourire fier qui s'afficha sur ses traits ne manqua pas de le faire à nouveau sourire. Sa dernière remarqua le fit à nouveau rire intérieurement, décidément, cette jeune femme lui rappelait à merveille une certaine princesse Amazone. « Ne jamais hésiter à mettre les pieds dans le plat », voilà qui correspondait à merveille à la Saltimbanque. Quelque part, Aerin se sentait rudement mal pour l'élémentaire, lui-même espérait ne jamais avoir à faire au courroux de la Meneuse.

Fort heureusement, Naly avait du répondant et certainement aussi l'habitude de ce genres de personnages si bien qu'au final, cela promettait de se terminer en joute verbale, en espérant que ça n'aille pas plus loin bien entendu. A l'entendre parler ainsi, Aerin fut convaincu qu'elle devait être une redoutable adversaire pour quiconque se dressait sur son chemin et elle maniait les mots avec tellement d'aisance qu'il n'enviait pas Jillian. L'adolescent écouta en silence le récit de la jeune femme et en conclut une chose importante : chacun avait ses secrets certes, mais plus que tout, tous avaient leurs blessures … Tandis qu'il écoutait la Directrice de l’École élémentaire, il se rendit compte à quel point il était en retrait par rapport à elles. Les deux femmes étaient imposantes, fortes, sures d'elle, tout comme Celyween l'avait toujours été. Un sourire triste se peint sur son visage à cette pensée lorsque la jeune femme s'adressa à lui. Il reprit ses esprits rapidement avant d'ajouter :

« Je … J'apprends à maîtriser l'eau à l'école depuis presque quatre ans oui » répondit-il, presque vexé qu'elle ne se souvienne pas de ce détail.

Elle était la directrice de l'établissement et pourtant, elle lui posait la question ? Il se sentit d'autant plus exclus et préféra garder le silence tant il se sentait troublé. D'autant qu'il ignorait totalement que la jeune femme maîtrise un quelconque élément. Peu importait, pour l'heure, il se sentait surtout déçu que la Directrice de son école ne connaisse rien de lui alors qu'il se démenait depuis près de quatre ans pour être un excellent élémentaire un jour. Sans parler du fait que Thémis comme Naly avaient été ses modèles quelque part …

[ Désolée, je ne savais pas quoi dire avec le p'tit bouchon XD ]

[Vraiment navrée du retard... J'ai honte de répondre à peine...]

Soufflée la Jillian ! Ca t'apprendra à juger trop vite !

Si la Saltimbanque, mauvaise perdante, n'épilogua pas sur les origines modestes de la Directrice, elle la vit soudain sous un autre oeil. Elle avait tendance à considérer les hautes sphères cydiennes arrogantes et suffisantes... Certainement à cause de ses premiers pas sur scène...

Elle devait avoir dix ans tout au plus, quand elle s'était ramenée avec Sam et ses frères sur une place de marché d'un beau quartier de Cydonia, dans le dessein de régaler l'assemblée de numéros de domptage et de jonglage. Même si la tigresse était encore jeune, elles avaient déjà fait un triomphe sur le port, elles avaient même gagner quelques sous et elles s'attaquaient maintenant à une zone plus riche de la ville. Quelle idée ! Les soldats nettoyèrent la place des fauteurs de trouble avant même que quiconque ait pu leur jeter un coup d'oeil. Blessée, humiliée, celle qui allait devenir la Meneuse de la fameuse Troupe de Saltimbanques s'étaient jurée qu'aucune scène, qu'aucune sphère ne lui serait plus jamais fermée.

Un rire dur lui empêcha cependant lorsque Naly évoqua l'enthousiasme des Cydiens à voir un spectacle de la Troupe. Si la petite gamine de dix ans avait su... eh bien elle ne serait jamais devenue la Jillian Torrez là, agressive, au sale caractère, mais profondément engagée. Avec le temps elle avait appris à pardonner à Cydonia ses inégalités et les injustices dont elle estime avoir été victime.

La Saltimbanque jeta un regard intrigué à Aerin, avant de réaliser qu'elle non plus ne savait pas quel élément le petit manipulait. Elle ne sut interpréter sa mine renfrognée quand il répondit. Mais elle ne put s'empêcher de le trouver trop mignon ! Son « merci » flottait encore à ses oreilles, bien plus qu'un simple petit mot aux yeux de Jillian.

C'est cet instant que choisi Garet pour refaire son apparition. Il s'apprêtait à dire quelque chose, mais sa soeur ne lui en laissa pas le temps...

« Va falloir que t'expliques à ta frangine que t'as été retardée, lança-t-elle à l'adresse de Naly. »

Elle venait d'avoir une idée.

« Je crois savoir que tu manipules l'eau aussi, nan ? Alors montrez-moi un peu ce que vous pouvez faire contre les frère et soeur Torrez ! »

Elle dégagea l'espace devant la cheminée monumentale au centre de la pièce. Le foyer était surélevé à plus d'un mètre du sol et formait un rond d'une cinquantaine de centimètres. Un petit feu s'élevait, infatigable malgré les heures de travail qu'il devait assurer, toujours sollicité par le forgeron.

« Approchez, approchez ! »

Garet fronçait les sourcils et suivit du regard ce qu'il croyait encore être des clients vers le foyer.

« Toi aussi banane, tu crois pas que je vais défendre toute seule la maison Torrez, si ? Alors le principe est simple ! On va créer un feu, Garet et moi. Vous devez l'éteindre ! »

Un sourire radieux illuminait le visage de Jillian, même si les ombres étranges du feu lui donnait un air un peu fou. Une vraie gamine. L'eau éteignait le feu, c'était certain. Comment, alors qu'elle était débutante, pourrait-elle leur tenir tête ?

Garet croisa son regard. Sourit. Ce petit jeu, ils y avaient joué des centaines de fois. Un peu voir s'ils n'avaient pas perdu la main...

Sans crier gare, le feu tranquille s'agita. Alors que tous retenaient leur souffle, s'attendant à voir jaillir une flamme gigantesque du foyer... le feu se réduisit, petit à petit, soumis à la volonté de Garet. Si bien, qu'il fit bientôt aussi petit que le poing d'une main. Il semblait si fragile... A quoi jouaient les frère et soeur ?

Un courant sortit de nulle part vint souffler le feu. A peine eut-il disparu que la flamme se raviva. Hop, nouvelle rafale. Nouvelle renaissance. Puis de plus en plus vite et de manière irrégulière, le feu clignotait. Difficile de savoir quand il allait apparaître et disparaître... La complicité qui liait les magiciens faisaient que l'un était parfaitement synchronisé avec l'autre.

« A vous de jouer ! Eteignez ça ! »

[En fait, il n'y a pas de différence que ce soit Aerin ou Naly qui réponde en premier =) ].

Quelque part à ses côtés, Nyméria bailla bruyamment comme pour signifier que la situation l'ennuyait ou alors, pour remettre son jeun compagnon dans le droit chemin. Aux yeux et aux oreilles de l'animal, il n'y avait rien de pire que de voir son jeune maître se perdre dans des pensées qu'elle ne parvenait pas à suivre tant elles étaient complexes. Tout ce qu'elle ressentait c'était la douleur et la tristesse de ce dernier et cela suffisait à la convaincre qu'il ferait mieux de se concentrer sur le présent et d'arrêter de se tourmenter pour rien ! Alors à chaque fois, à sa façon, elle le faisait redescendre sur terre et le ramenait auprès d'elle, vers des pensées plus simples et plus primitives qu'elle pouvait suivre. En règle générale, cela suffisait à le calmer mais là, il était tellement … vexé ? Elle n'aurait pas su mettre de mot sur cette sensation, qu'il ne voulait pas vraiment faire attention à elle. La louve le sentait au fond de son esprit, son jeune ami l'ignorait avec superbe, sans doutes parce qu'il savait qu'elle avait raison de vouloir lui éviter des sentiments aussi puériles.

Aerin se sentait encore plus idiot, plus gamin lorsque la louve au pelage crème avait bailler. Il était évident qu'elle ne l'avait pas fait par hasard et que, comme toujours, elle tentait à sa manière de lui faire comprendre qu'il devait arrêter de se prendre la tête. Cependant, le gamin en était incapable, il se sentait presque prisonnier de ses sentiments et regrettait ce don de l'Esprit tout autant qu'il le chérissait. Unique lien avec le passé, le présent et l'avenir pour lui, il ne parvenait cependant pas encore à le maîtriser totalement. Naly l'avait vexé en lui posant la question mais à bien y réfléchir, elle n'avait pas non plus l'obligation de savoir tout sur l'ensemble des élèves foulant son école ! C'était même idiot que de le penser ! Mais le jeune homme avait fait tellement d'efforts pour briller aux yeux de Cydonia qu'il désespérait d'être si transparent, si vide de sens, que même elle ne l'est pas remarqué. Thémis Clari était là pour lui, c'était une chose évidente, et si elle ne lui avait jamais menti, si elle était fière et sans nul doutes heureuse de constater ses progrès, la jeune femme semblait également émettre des réserves, comme si quelque chose la chagrinait à chaque fois qu'ils s'entraînaient ensemble et au fil du temps, le métisse avait fini par croire que c'était parce qu'il la décevait sur un point sans parvenir à mettre le doigt dessus. Voir que ses efforts volaient en éclat dans la question innocente de la Directrice le rendait malheureux. Peut être était-ce cela le problème de sa jeune maître, le fait qu'il soit insipide au point de se faire oublier ? Ou qu'il soit tout simplement trop banal...

Il écouta sans trop y penser la conversation qui suivit. Il ignorait que Naly avait une sœur et se sentit un peu bête tout d'un coup. Voilà qu'il faisait exactement ce qu'il lui avait silencieusement « reproché ». Il réexamina la situation et décida à partir de là de ne plus se focaliser sur la chose, après tout, Naly pour bien ignorer tout de sa vie en dehors du fait qu'il était le rejeton de la redoutée Celyween et du respecté Jiven. Là s'arrêtaient souvent les connaissances du commun des mortels à son sujet et ce n'était pas plus mal. Il n'était que le « fils des Templiers » et ça lui allait très bien. Il avait simplement cru que Caelan, en tant qu'un de ses modèles, en saurait plus mais c'était un peu présomptueux de sa part … ses joues se teintèrent furtivement d'une couleur vermeille avant que Jillian ne reprenne la parole.

L'enthousiasme de la Meneuse était souvent communicatif. Son fort caractère et son humeur grognon avaient toujours su tirer un sourire au gamin. Elle l'avait sauvé ce jour-là et jamais il ne pourrait l'oublier. Cependant, il ne comprenait pas où elle voulait en venir. Cherchait-elle à ce qu'ils se battent les uns contre les autres ? Sans vraiment comprendre, il s'approcha du foyer en restant à une distance prudente. A ses côtés, Nym' émit un grognement étouffé, comme pour signifier à la Saltimbanque qu'elle avait intérêt à ne pas lui faire de mal. Cela aurait sans doutes beaucoup fait rire Aerin s'il n'avait pas été autant intrigué par la demande son amie.

Créer un feu ? L'éteindre ? Pensait-elle sincèrement qu'ils soient assez doués pour l'éteindre ? Naly certainement mais lui en aucune façon ! Toutefois, Jillian avait l'air d'y tenir et il n'aurait pas su lui résister, pas après tout ce qu'elle avait fait pour lui et puis … elle avait son caractère la Cydienne ! Mieux valait éviter de la contrarier n'est-ce-pas ? Amusé par cette remarque, il se ravisa toutefois, se demandant s'il ne ferait pas mieux de récupérer la commande de Soren comme prévu et de filer ensuite, sous peine de se faire réprimander par ce dernier.

« Tu sais je dois absolument rentrer ... »

Il se tut. En réalité, s'il craignait la réaction de Soren, il avait bien envie de tenter le diable et de jouer avec les trois autres. Pour une fois, on lui demandait de faire ses preuves et il en avait envie. Non pas pour épater la galerie, mais uniquement pour le jeu, parce qu'il en avait envie. Il se tourna vers Naly et lui demanda timidement :

« Vous voulez bien ? »

Sans vraiment attendre sa réponse, il chercha le moyen d'éteindre le feu. S'il savait parfaitement créer de l'eau à partir de rien, il pêchait encore à la maîtriser totalement dans tous ses mouvements. En conséquence, il se dit que ce ne devait pas être le cas de Naly et qu'il lui serait utile en créant autant d'eau que possible. L'eau gagne toujours sur le feu, c'était la base non ? Il se concentra et un gerbe d'eau se mit à flotter devant la Directrice.

[ Vous voulez continuer ou je nous désengage ? x) ]