[155][D-A] Une poignée de regrets (PV Ocarenna)

Invité

[HRP : quelques précisions par rapport à ce RP. Il se passe à un moment indéterminé pendant la QA d'Elyncia pour Zihark et après l'entraînement de Méléane pour Ocarenna. L'instant est indéterminé simplement parce qu'il se passe dans un rêve et qu'il est difficile d'évaluer le temps par rapport à la réalité. On pourra donc simplement dire que les deux personnages ne se sont jamais vus mais qu'ils se retrouvent dans leurs rêves respectifs, une fois évanouis ou endormis. Merci de prendre cela en compte et bonne lecture !]

Il fait froid, très froid. J’ai un horrible mal de tête, mes oreilles bourdonnent. En ouvrant les yeux, je vois le ciel, noirci par la fumée. Dans mes mains moites, je touche de la terre, de la boue peut-être. C’est l’automne mais peut-être la fin... la fin du monde ? Ça sent la chair brûlée et, en tournant doucement la tête, je me rends compte que je me trouve dans un village. Mais ce village est dévasté. Les maisonnettes sont en ruine, des corps jonchent le sol, personne ne semble avoir survécu au massacre. Mon corps est douloureux mais j’arrive à m’asseoir pour mieux me rendre compte de la situation. Comment me suis-je retrouvé là ? Où sont Jarod, Léane, Rose, Joshua, Clavim... et Elyncia ?! Je me relève rapidement, sans plus penser à la douleur. Peut-être ont-ils eux aussi été blessés voire tués ? L’endroit a été littéralement dépeuplé, personne ne semble être venu porter secours aux habitants. Mais bon sang, comment suis-je arrivé ici ?! Je n’en ai strictement aucun souvenir !

C’est le cœur lourd que je me décide à avancer, recherchant tant bien que mal comment retrouver mon chemin. J’ai beau être Guide, cet endroit ne me dit absolument rien et rien ici de me permet de me situer. Je peux autant être à Storghein qu’à Tamawa. Les environs sont plutôt classiques et les températures ne sont pas extrêmes, j’ignore même si je suis en hauteur ou en plaine. Complètement désorienté, enjambant les dépouilles, je commence à frapper aux portes, ayant l’espoir de trouver un quelconque survivant pour m’aider à retrouver ma route. Il faut que nous retrouvions Kaïlla, c’est mon seul but depuis que j’ai revu Elyncia. Comment suis-je passé d’une quête apparemment sans fin à un village délabré ? Personne n’ouvre sa porte. Celles qui sont entrouvertes me laissent apercevoir que le carnage a eu lieu même chez les gens. Je prends la peine de vérifier le pouls des victimes mais aucun ne laisse transparaître les battements d’un cœur.

L’endroit est petit, j’ai le temps d’en faire deux fois le tour, éteignant quelques foyers au passage, pour ne finalement rien trouver. Désespéré de ne jamais pouvoir retrouver les autres et Elyncia, ma gorge se noue mais je ne perds pas courage et recommence à passer dans les moindres coins sombres pour trouver un brin d’espoir. Et c’est lorsque je l’aperçois que je peux enfin respirer. Une personne au loin ; une légère brume voile ma vision et je ne peux distinguer s’il s’agit d’un homme ou d’une femme. Ce n’est que lorsque j’approche de cette personne que je distingue enfin ses traits. Il s’agit d’une femme à l’expression indéchiffrable. Est-elle perdue, elle aussi ? Elle a coloré ses cheveux en rose, un joli rose. A première vue, je dirais que l’inconnue est astorg car elle me semble grande et bien robuste mais je ne peux rien affirmer... ce n’est pas tellement ma préoccupation, à vrai dire. Lorsqu’elle m’aperçoit, elle sourit. J’ignore ce que cela signifie mais je sais alors que je peux aller la questionner. Lentement, retrouvant progressivement mon calme, je m’approche d’elle et finis par articuler quelques mots.

- Excusez-moi mais... où sommes-nous ?

Invité

Je m’ennuyais... oui, c’est cela, je m’ennuyais lorsque je me suis endormie sous cet arbre. La solitude me manquait un peu, quand même, même si la compagnie de Méléane a été plus que plaisante ces derniers quinze jours. Mais je suis rapidement retournée à mon état d’errance habituel lors que j’ai retrouvé la monotonie de la vie. Passant de cité en cité sas me préoccuper de la fatigue, sans retourner à Storghein de peur de retrouver d’anciennes connaissances. Je pense à Jaered : que fait-il, maintenant ? M’en veut-il pour ce que j’ai pu lui faire ? Probablement... je ne peux pas savoir, je ne peux pas juger car je le connais bien mal après tout. Mais je me rappelle sans cesse de sa douceur, des moments de rire que nous avons partagés. J’aimerais en partager d’autres mais la peur m’assaille.

C’est donc l’ennui qui m’a incitée à entretenir mon don de Ritualiste. Je suis allée faire quelques tours dans le monde astral, sans chercher à revoir mes parents... ils m’ont déjà dit ce qu’ils pensaient de ma haine, de mes envies de vengeance. Je sais qu’ils ne sont pas fiers de moi et pourtant c’est bien à eux que je pense lorsque j’ai envie de remonter dans le temps, de les remercier face à face d’avoir pris soin de moi, d’avoir défendu Storghein avec tant de ferveur jusqu’à en mourir. Soudain j’ai peur, une peur que je n’ai jamais ressentie jusqu’ici : et si Jaered mourrait ? Je n’aurais aucun moyen de le savoir puisque je ne suis pas avec lui... en souffrirai-je en l’apprenant quelques mois après, quelques années ?

Je me suis endormie sous un arbre... j’adore ça, sauf quand je cauchemarde. Quinze jours à ne pas cauchemarder, quinze jours à ne faire que des rêves agréables... mais revoilà ce cauchemar récurrent. Me hantera-t-il toute ma vie durant ? Cet homme... j’ai visité son rêve. Il était doux, plein d’optimisme malgré des évènements apparemment traumatisants. Ce jeune cydien dont j’ai visité le rêve, il s’imaginait probablement chez lui... un autre homme se trouvait là, il lui présentait une magnifique jeune femme de son âge aux cheveux teintés de vert. Il était tellement heureux... mais mon propre cauchemar a pris le dessus et le jeune homme s’est évanoui. Alors quand je le vois debout, m’abordant pour trouver son chemin, cherchant des survivants... je me dis qu’il est courageux. Oui, bien courageux de vouloir comprendre la situation, lui qui a l’air si innocent malgré ce qu’il a pu vivre. J’ignore ce qu’il a subit mais il lui reste de l’innocence... ce que j’ai perdu trop tôt.

Il est beau et garde son calme malgré qu’il ne sache pas où il est. Je souris alors, contente dans un certain sens de pouvoir briser ma solitude. Étrange... c’est encore un cydien. Serais-je née cydienne dans une autre vie ?! Il a même un tout petit air d’Harkas... bien avant qu’il ne m’agresse. Je me décide à lui expliquer quelques choses... sans pour autant être claire. Mais je lui dois des explications... elles viendront en temps voulu.

- Je crois bien que tu es à Storghein, jeune homme. Dans la Storghein de mon cœur, celle qui m’a donné de si mauvais souvenirs... le jour où mes parents sont morts.

Invité

Rien... je ne comprends rien. Son ton est tellement neutre, indescriptiblement froid, comme si c’était naturel pour elle d’être perdue. Perdue parce qu’elle n’a pas l’air de savoir où nous sommes, même si elle me l’explique. Storghein ? Même si je connais leur langue sur le bout des doigts et qu’elle semble véritablement l’être aux vues de son accent cydien terriblement laid, je n’y ai jamais mis les pieds ! Mon père m’a toujours expliqué qu’en plus d’être mal accueilli à cause de mes origines, j’y risquerais ma vie. J’ai connu des astorgs, Ova en était une d’ailleurs... je n’ai pas vraiment de raison de les détester, j’ai juste appris qu’il s’agit d’un peuple assez indélicat et j’ai pu le vérifier par moi-même. Comment ai-je pu me retrouver ici, alors que j’étais avec Elyncia quelques instants plus tôt ? Si cette femme dit vrai, alors je suis sacrément embêté... la route va être longue jusqu’à Jafa.

Mais quelque chose cloche... elle parle du « jour où ses parents sont morts ». Comment peut-elle le savoir ? Quelque chose ne va pas, tout cela n’est pas logique ! La panique me prend à la gorge mais je tente de rester calme en face de l’inconnue. Se ficherait-elle de moi ? Si c’est le cas, ses blagues sont sacrément de mauvais goût...

- Écoute, on... nous ne pouvons pas être à Storghein, j’étais...

Non, je ne peux pas lui dire où je me trouvais avant cela. S’il s’agit d’une ennemie, ça mettrait le groupe entier en danger.

- Je ne me repère pas, ici. Peux-tu me dire où nous sommes pour que je puisse retourner d’où je viens ?
- Je te l’ai dit, où nous sommes...
- Mais c’est impossible ! Je n’étais pas du tout ici ces temps, même pas dans un village voisin !
- C’est drôle de te voir te débattre avec tes pensées.
- Ce n’est pas drôle du tout ! Dis-moi comment partir, c’est toi qui m’as amené ici, non ?
- Bien, tu te rapproches de la vérité. Cherche encore un peu.

Je serre les poings... elle n’a pas l’air décidée à me lâcher quelques informations et je m’en veux de me laisser ainsi torturer. Soudain, je me rappelle : je rêvais. C’est cela, je rêvais d’emmener Elyncia voir mon père quand tout serait terminé, de lui présenter enfin la femme avec qui je souhaitais finir mes jours. J’en étais tellement ému que je n’ai pas tout de suite réalisé que mon rêve se transformait au point de ne plus être le mien. Mon père et Elyncia ont disparu, je me suis évanoui... et je me suis retrouvé là. J’ai déjà entendu parler de ce don. Pouvoir entrer dans les rêves des gens... quelle capacité vicieuse. Surtout dans cette situation !

- Tu es une Ritualiste, c’est ça ? lui dis-je d’un air méfiant, toujours sur mes gardes.

Elle sourit et hoche la tête.

- Écoute, peu importe ce que tu viens de faire... je me sens nu mais ça a peu d’importance. Mais s’il te plaît maintenant laisse-moi partir. J’ai des gens à protéger et à guider pour une quête importante, je ne peux pas perdre mon temps ici.

Je tente de rester diplomate et, malgré ma conviction, j’ai bien peur qu’elle ne soit pas convaincue.

Invité

- Tu ne repartiras pas, lui dis-je d’un ton froid.

Il va devenir fou, avec moi... mais je trouve ça amusant et distrayant. Sans écouter ce qu’il dit ensuite, je commence mon récit d’un ton calme.

- Il faisait bien plus froids que ça quand je les ai trouvés allongés sur le sol, dans le village voisin. Ça faisait quelques jours qu’ils m’avaient annoncé que la guerre se préparait mais je ne savais pas tellement ce que ça voulait dire... à dix ans, tu penses bien que c’est compliqué de comprendre la mort. Ils m’ont confié à leurs amis, des amis que j’ai encore aujourd’hui mais eux sont restés à Storghein. Je voulais les retrouver, je voulais les revoir. Leur amour, leur affection et leur présence me manquaient... alors j’ai pris mon courage à deux mains et je suis partie pour le village à deux heures de route de Storghein.
- Attend... me dit le cydien. Tu... tu ne veux pas qu’on s’installe ailleurs pour me raconter ça ?

Je suis premièrement surprise de sa réaction et je ne sais pas quoi répondre. Est-ce qu’il s’intéresse soudain à mon histoire ? Si ce n’était pas le cas, il ne demanderait pas un meilleur endroit pour discuter... Perturbée, j’arrive tout de même à le laisser m’emmener loin du massacre, dans une petite clairière juste à côté. Je me demande d’ailleurs bien d’où elle sort mais le soleil revient presque instantanément. Il allume rapidement un feu, avec plein d’incohérences auxquelles il semble s’être habitué et nous nous asseyons. Il hoche la tête et me demande alors du regard de continuer.

- Je crois que je ne me suis jamais sentie aussi seule de toute ma vie. Ce n’était qu’une heure et demie à pied mais personne ne m’accompagnait et j’avais horriblement peur de me perdre... Finalement, j’ai eu peur de bien d’autres choses après, que je n’aurais jamais soupçonnées. Le décor que tu vois, c’est ce que j’ai trouvé. Des dizaines d’astorgs allongés sur le sol, les corps tordus et les visages déformés par la douleur, du sang mêlé à l'eau de pluie de la veille. Puis j’ai aperçu mes parents, entassés l’un sur l’autre comme si quelqu’un les avais mis là alors qu’ils étaient déjà morts. Mes jambes m’ont guidées, sans que je ne puisse les contrôler, vers ces deux corps inanimés. Je n’ai pas compris ce qui leur était arrivé... ce n’est que lorsque je suis rentrée, que la garde est partie chercher les survivants, que j’ai compris qu’ils ne reviendraient jamais.

Une petite pause... Pourquoi le paysage devient si clair alors que je parle de choses si sombres ?

Invité

J’ai peur, lorsqu’elle me dit que je ne repartirai pas. Je n’ai aucune porte de sortie et me pincer depuis tout à l’heure ne sert à rien. Je ressens la douleur mais le rêve a toujours lieu. Pourtant, malgré son ton sec, j’imagine qu’elle ne me veut pas de mal car si c’était le cas, elle m’aurait déjà fait subir quelques choses. Or, elle raconte son histoire et, étrangement, j’ai envie de l’écouter. Je lui propose alors d’aller s’installer un peu plus loin, là où les nuages sont dissipés et où le soleil apparaît progressivement. La clairière a l’air réel mais tout ce qui apparaît devant moi sans que je ne sois allé chercher de quoi faire un feu m’étonne quelque peu. Je fais pourtant comme si de rien n’était et écoute son récit jusqu’au bout. Je me rends compte qu’elle me touche : on air perdu n’est pas seulement omniprésent, il traduit probablement de grosses peines.

Elle finit par faire une pause, en observant le ciel. Je profite de poser une question.

- Tu fais ce rêve toutes les nuits ?

Elle me regarde, surprise à son tour, et hoche la tête. Je ne réponds rien, voyant qu’elle souhaite continuer à raconter quelque chose mais je ne peux m'empêcher de penser que ça doit être une femme terriblement malheureuse.

- Après ça, j’ai vécu avec un garçon pendant de nombreuses années... un cydien, comme toi. Il te ressemblait, étrangement. Mes parents me l’avaient exceptionnellement présenté pour que j’apprenne le Ritualisme. Storghein me rappelant trop de mauvais souvenirs, je suis partie dans la montagne avec lui. Je me suis encore entraînée, nous avons passé de bons moments ensemble puis après une dizaine d’année de vie commune, nous nous sommes séparés. Quelques temps après, j’ai vécu ma vie, sans but... avec des envies de vengeances énormes. Je ne comprends toujours pas pouvoir mes parents m’ont été enlevés si tôt. Alors j’ai trouvé des moyens de tuer sans me battre.

Elle rit.

- Ça doit te paraître complètement absurde... pourquoi vouloir tuer quand on n’aime pas la mort ? Je me suis longtemps posé cette question, sans jamais pouvoir y répondre. Puis, j’ai revu Harkas... mais il était devenu fou, fou d’amour pour moi, fou de désir et nos retrouvailles se sont mal terminées. Grâce à mon nouveau don, j’ai découvert en moi une soif de sang, une envie d’enlever la vie profondément ancrée en moi. J’ai aimé tué Harkas. Comme j’ai aimé tuer l’un de mes confrères, alors qu’il s’en était pris à quelqu’un qui m’est cher. Il y a une semaine, j’ai décimé une secte de fanatiques, vénérant un Dieu nommé Nereid... là aussi, j’ai beaucoup tué.

Elle se tait. Je me suis relevé, frissonnant d’entendre tant d’absurdités. La soif de sang, aimer tuer, enlever des vies... tout ça m’horripile et je ne peux pas m’empêcher de dégainer. Il faut que je sorte de ce rêve, que je retrouve une vie normale et Elyncia, que nous métions fin à ses horreurs et que les gens de cette espèce arrête de vivre. Prenant un pas d’élan, je lève ma lame au ciel et m’apprête à l’abattre sur l’astorg sans réelle pitié. Elle ne mourra pas, je le sais... mais peut-être qu’une blessure me fera sortir de ce cauchemar.

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