L'audience était privée et la volonté de l'empereur était faite. A son retour, Sun Liang avait demandé une réunion avec les deux personnes qui devaient être mis immédiatement dans la confidence et dont les intérêts étaient supérieurs à une possible trahison : l'empereur lui-même, Kakita-sama, et celui qui a perdu son avantage politique dans la disparition des fillettes, le fiancé de Maya, Zukho. Ces deux hommes étaient les plus à même de garder le secret et d'organiser l'extraction des jumelles depuis Azthia sans éveiller les convoitises. L'empereur ne savait même pas encore pour la survie de ses héritières mais il avait cependant accordé la demande de Sun Liang, à peine revenu d'Azthia, d'organiser cette petite réunion à trois seulement. Zukho également ne devait pas savoir pourquoi il était présent, les jumelles n'ayant pas encore choisi de se révéler. Mais le vieux Shugenja allait le faire pour elles. Sun Liang était honoré d'avoir une telle preuve de confiance de la part de son empereur. Dans sa loge, il s'apprêtait à se changer pour apparaitre respectueusement devant son empereur.

=======================================

Shin Kakita, Empereur Dragon, Seigneur des Quatre Royaumes, avait convoqué son gendre Zukho dans son anti-chambre privée. D'un geste, il demanda à son chambellan de lui amener des fruits de saison et invita le jeune homme à s'asseoir, après qu'il eut effectué ses révérences de rigueurs. Kakita-sama était dans les couleurs vives de son clan impérial, le vert et l'or, et était à moitié allongé sur un canapé en face de son invité. Anciennement bel homme à la mâchoire carrée, il s'était laissé aller dernièrement à prendre quelques kilogrammes. Assez étrangement, cela lui donnait un charisme démesuré. Sa barbe était taillée avec soin, malgré le fait que ses poils soient toujours aussi indomptables que la bise. Ses mouvements étaient calculés et recelaient une grâce incomparable. Impériale.

"Asseyez-vous, Hotori-san. Comment se porte votre père, il y a longtemps que je ne l'ai rencontré ?"

L'empereur posa son regard sur le jeune Zukho et attendit sa réponse: la question était pleine de politesse et servait, bien sûr, d'introduction. Car il était de coutume que ce soit à l'empereur de parler en premier.

"Je suis curieux de connaitre vos découvertes faites chez les étrangers. Avez-vous appris quoique ce soit sur la disparition de votre fiancée et de mes héritières ?"

Il était rentré à Oyashima voilà quelques jours, rappelé au pays par ses obligations. Non pas celles envers l'empereur, celle-ci étant pour partie mises en suspens depuis la disparition des sœurs héritières, mais par ses obligations claniques. Alerté par les récents évènements, le patriarche du clan Hotori avait exigé de son fils qu'il revienne de son voyage.
"Ton irresponsable caprice a assez duré!" Lui avait-il dit, sur ce ton toujours aussi dur. Il le reprochait de n'on faire qu'à sa tête, alors que son clan nécessitait son attention.

Et après avoir essuyé les inévitables remontrances de son père, Zuckho était retourné à Hoshizora, où l'empereur l'avait appelé en audience privée. De ce que le prince-consort avait entendu, Sun Liang était lui aussi revenu du continent occidental et avait d'importantes informations en sa possession. Heureux de retrouver son maître, Zuckho était toutefois surpris d'être lui aussi invité à cette audience. Après-tout, maintenant que son futur en tant que consort était incertain, quelle intérêt l'empereur avait-il de le mettre au courant d'informations aussi importante? Quoi qu'il en fût, l'empereur Kakita Shin lui faisait toujours confiance, et Zuckho entendait bien se montrer digne de cet honneur.

~~°~~

Zucho avançait dans le grand couloir menant aux appartements privés de l'empereur. Il avait revêtu pour l'occasion ses vêtements les plus raffinés, tissés dans la meilleure soie de son clan. Sur ses vêtements nobles aux couleurs bleu et blanc étaient représentés le symbole de son clan, celui de la Licorne. Ses pas raisonnaient sur la pierre du palais, jusqu'à ce qu'il arrête sa marche fière devant la porte de l'antichambre. On l'annonça à l'empereur puis on le fit entrer. Hotori Zuckho, fils héritier du clan de la Licorne, prince consort des Quatre Royaumes, avait un profond respect pour l'empereur. Chacun de ses gestes était calculé, chacune de ses paroles était pensée avec habileté. Il procéda aux révérences de rigueurs, et ne pris place que lorsque l'empereur l'y invita. De la même manière, le prince consort garda le silence et attendit que l'empereur soit le premier à prendre parole, comme le voulait la coutume.
"Asseyez-vous, Hotori-san. Comment se porte votre père, il y a longtemps que je ne l'ai rencontré ?"
"Merci, Kakita-sama. Mon père se porte bien, il vous transmet ses honorables salutations. "
Les échanges de politesses effectués, le prince consort attendit que l'empereur lance le premier le sujet de conversation, car bien qu'il fusse impatient de connaitre la raison de sa convocation, il était impoli d'en poser la question à l'empereur.
"Je suis curieux de connaitre vos découvertes faites chez les étrangers. Avez-vous appris quoique ce soit sur la disparition de votre fiancée et de mes héritières ?"

Alors c'était simplement cela, Shin souhaitait un compte-rendu de son voyage. Zhucko en fut à la fois soulagé, et désolé. Soulagé que la raison de sa présence ne soit pas grave, et désolé de n'avoir pas de bonne nouvelle pour l'empereur. Il n'en monta cependant rien et répondit solennellement à l'empereur.
"Ce voyage chez les étrangers n'aura pas été aussi instructif que je l'aurai souhaité. Ils vivent en plusieurs peuples, et chaque peuple a des coutumes différentes. C'est un pays bien étrange, Kakita-sama, et leurs coutumes les sont tout autant. D'après ce que j'ai appris du peuple, certains se font la guerre entre eux. Pas des guerres de clans, mais des guerres sans honneur. Je n'ai malheureusement pas pu en apprendre d'avantage sans risquer de révéler mon identité. Pour ce qui est de vos filles…" Zuckho marqua une pause, juste le temps de refouler sa déception. "Je n'ai pu trouver leur trace. Mais je ne perds pas espoir, Kakita-sama. J'ai la conviction qu'elles sont là, quelque part. Et si vous me permettiez d'y retourner, je les retrouverais."
"Je retrouverai Maya…" Ajouta-t-il machinalement, d'une voix plus basse.
"Peut-être que Sun Liang-sama a eu plus de chance."

Tandis que l'empereur se nettoyait la main et la bouche, le prince consort en profita pour goûter au raisin. Non pas qu'il s'agisse de son fruit préféré parmi tous ceux présents, mais c'était le plus rapide à avaler entre deux bribes de conversation.
"Jeune homme." Reprit une voix grave et lente.
L'empereur semblait réfléchir intensément tout au long de sa tirade, ne lâchant pas son interlocuteur du regard. Et durant cette tirade Zuckho ne toucha pas à un fruit. Par politesse d'abord, mais surtout pour être certain de ne rien rater de l'ampleur des paroles de l'empereur. Après quoi, le prince consort fit mine de réfléchir pour cacher sa perplexité.

Certes, Miki et Maya n'étaient pas les seules héritières de Shin et la place de l'empereur ne lui permettait pas de montrer la moindre faiblesse. Mais n'était-il pas un minimum touché par la perte de sa première épouse et la disparition de ses filles? Se disant que la situation devait pousser l'empereur à ne rien montrer Zuckho chassa, pour le moment, ses ressentiments. Suivant l'enseignement de l'empereur et de Sun Liang, il occulta – non sans mal - ses sentiments et s'efforça de penser objectivement au bien de l'empire avant tout.
Qu'Isami prenne la place de Shin si un malheur venait à arrivait ne le dérangeait pas, Zuckho respecterait les volontés de l'empereur et suivrait les traditions millénaires. Que Zuckho devienne consort était bien plus l'ambition de son père que la sienne. Mais que la responsabilité qui incombe présentement à Sun Liang lui revienne, à savoir s'assurer que les princes et princesses ne déchirent pas l'empire en s'affrontant les uns les autres, d'assumer cela Zuckho ne se sentait pas prêt. Jusqu'ici Sun Liang avait toujours été là pour le guider, et la simple idée que cela puisse changer un jour ne lui avait jamais effleuré l'esprit. Cela dit, l'empereur avait raison sur un point : Nul ne saurait douter de son objectivité tant que Maya serait portée disparue ou, et Zuckho se refusait à cette idée, considérée comme morte.

Quand ses pensées redevinrent claires, tout au plus une minute après la fin de la tirade de l'empereur, Zuckho reprit parole, sur le même ton solennel et respectueux qu'il usait en présence de l'empereur.
"Je ferais selon votre volonté, et je saurai me montrer digne de cet honneur. Si les kamis venaient à vous appeler sans que Miki et Maya ne soient retrouvées, je m'assurerai qu'Isami prenne votre succession et ferait tout ce qui est en mon pouvoir afin que vos enfants ne s'entretuent pas, soyez-en assuré."
Ces mots prononcés, le prince consort se tut. Lui n'ayant rien à ajouter, il attendit que l'empereur entame un autre sujet ou que Sun Liang arrive.

[hrp: Dsl pour le retard, je ne me suis pas rendu compte que je n'avais pas posté.]

Sun Liang arriva.
le chambellan lui ouvrit la porte. Avant cela, les gardes avaient comme à l'accoutumé vérifié les plis de sa robe et de son chapeau afin d'y déceler de potentielles armes. Cependant, la fouille était réduite au minima du minimum, voire de l’inexistence: Sun Liang était certainement, avec les années, l'homme le plus proche de l'empereur, ayant même servi le père de ce dernier, ayant élevé ses filles et instruits ses Shugenjas. Tout le monde, dans le palais, connaissait Sun Liang. Tout lui monde lui faisait intimement confiance. Il avait réponse à tous les problèmes, anticipait les besoins, trouvait les solutions aux difficultés.
Il n'avait cependant pas pu prévoir l'assassinat de l'Empereur.
Lorsqu'il entra dans la pièce, sur un canapé en face du jeune Zukho, Kakita Shin s'agita de soubresauts. Son regard appuya sa détresse, avide d'air, avide de souffle, avide de respirer. Comme un poisson hors de l'eau, l'Empereur suffoquait. Le blanc de ses yeux vira au rouge sang alors que les vaisseaux sanguins se rompaient.
Tandis que le chambellan appelait à la garde, Kakita-domo se roula sur le dos en se griffant le cou jusqu'au sang. Sun Liang dépassa Zukho pour porter secours à son empereur. A genoux, il criait son nom, l'empêcha de se creuser le cou tout en posant sa main sur son abdomen. Mais ce n'était pas là le problème.

"L'air est bloqué au larynx, il a une taille totalement inhabituelle. Il s'étouffe, il est empoisonné !"

Sun Liang avait des connaissances en médecine, mais aucun talent magique pour en bénéficier. Ainsi donc, après d'ultimes secousses, Kakita Shin s'éteignit, la gorge en feu et nouée, les poumons vides, les yeux révulsés.
Triste fin pour le plus grand des Hommes.
La garde, les médecins, les samouraïs entrèrent dans la pièce, ravageant les tables et les coussins sur leurs passages. Très rapidement, avant même d'établir le diagnostic, ils isolèrent Sun Liang et Zukho puis leurs demandèrent de les suivre pour un interrogatoire urgent.

L'empereur était mort empoisonné. Ainsi se termina les premiers jours d'automne.

[Terminé. Interrogatoire musclé dans le prochain chapitre !]